mercredi 13 novembre 2019

Ulysse 31 en blu-ray : les dix commandements (9 & 10)

Voici la fin de notre grand feuilleton : les dix commandements à suivre pour faire une édition d'Ulysse 31 en blu-ray qui soit à la hauteur des attentes et qui corrige les erreurs du passé.

Les huit premiers commandements étaient :
1. D'une source argentique tu partiras
2. L'étalonnage tu soigneras
3. L'épisode pilote tu proposeras
4. Tu n'abuseras point de la compression
5. Tu ne zoomeras point
6. La version en 156 épisodes tu proposeras
7. Avant le premier épisode, point de résumé ne mettras
8. Les génériques point ne négligeras


9. La version japonaise tu proposeras

Ulysse 31 est une série franco-japonaise. Le scénario et les dialogues français, écrits par Nina Wolmark et Jean Chalopin, ont été adaptés en japonais par Yoshitake Suzuki, sous la supervision des auteurs français. La version française de la série constitue donc sa véritable « version originale » ; toutefois, l'écriture même de la série ayant été influencée par ses conditions de production, ainsi que par les remarques et interventions des producteurs japonais, on aurait tort de continuer à négliger sa version japonaise. Négliger ? Le mot est faible : hormis un épisode bonus proposé dans la défunte édition Premium chez IDP en 2005, il reste à peu près impossible de voir des épisodes d'Ulysse 31 en japonais aujourd'hui. Cherchez sur Youtube… à l'heure actuelle, aucun épisode (hormis le fameux épisode pilote) ne semble disponible en japonais.

Ce qui complique un peu les choses, c'est qu'il existe deux versions japonaises :
– la version de 1981, avec les musiques de Denny Crockett et Ike Egan (mais un montage musique totalement différent du montage français),
– la version de 1986, avec une nouvelle partition de Kei Wakakusa.


Une belle réédition d'Ulysse 31 se devrait, me semble-t-il, de proposer au moins l'une des deux versions japonaises (de préférence la première, évidemment), avec un sous-titrage de qualité. Cela offrirait au spectateur français l'occasion de redécouvrir la série sous un jour différent. Pour ceux qui, éventuellement, hésiteraient à racheter une série qu'ils possèdent déjà en DVD, cela constitue un argument supplémentaire en faveur de cette réédition.

Le luxe serait d'avoir le choix entre les deux versions japonaises, ce qui permettrait aux fans les plus obsessionnels de les comparer… mais nous touchons là, sans doute, au domaine du rêve.


10. Le droit d'auteur tu respecteras

Cela semble-t-il évident ? Rééditer une œuvre ne devrait se faire que dans le respect de ses créateurs. Pourtant, les contre-exemples existent. Nul besoin de rappeler la nébuleuse affaire Goldorak, dont l'édition DVD à la fin de l'été 2005 avait défrayé la chronique judiciaire et mis le web geek français en ébullition. Respecter le droit d'auteur, ce n'est pas uniquement une question de contrat signé et d'argent qui passe de main en main ; respecter le droit d'auteur c'est d'abord se plier au droit moral, qui est inscrit dans la loi française et qui stipule notamment :

L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre.
Code de la propriété intellectuelle, article L.121-1.

Ce droit a pourtant bel et bien été violé, concernant Ulysse 31, et l'est encore actuellement. Car sur les jaquettes des deux coffrets DVD édités par IDP depuis 2007, ainsi que sur les jaquettes de chacun des huit DVD contenus dans ces coffrets, les crédits sont entachés d'approximations et d'omissions désolantes.

Voyez plutôt.


La première chose qui fait bondir, c'est que le nom de Nina Wolmark (qui est coauteur, avec Jean Chalopin, de l'idée originale, du scénario et des dialogues d'Ulysse 31) est totalement absent de ces crédits. Jean Chalopin devient donc, seul, auteur de l'idée originale… Mais alors, qui a écrit le scénario et les dialogues ? Personne : Jean Chalopin n'a écrit que la « structure scénaristique » (!).

Immédiatement après, on constate également que le noms des dessinateurs français sont également oubliés : exit François Allot et Philippe Adamov, qui ont pourtant imaginé et conçu graphiquement les principaux décors et beaucoup des personnages secondaires.

Enfin, histoire de mettre en évidence l'amateurisme complet de ces jaquettes, notons que René Borg est devenu « conseillé artistique », ce qui continue de me faire rigoler (il en faut peu). Oh, il y a d'autres erreurs encore, comme l'oubli du producteur Yutaka Fujioka, sans qui Ulysse 31 n'aurait jamais pu exister.

À l'époque où ces DVD sont sortis, si Nina Wolmark, Jean Chalopin, François Allot et Philippe Adamov (à un moindre degré pour Allot et Adamov car en tant que dessinateurs, la loi française ne les considère pas comme auteurs de l'œuvre audiovisuelle) s'étaient présentés devant un tribunal, j'ai tendance à penser qu'ils auraient pu, sans peine, faire retirer de la vente cette édition et obtenir la destruction du stock. Nina Wolmark, particulièrement lésée par l'absence complète de son nom, aurait pu (aurait dû ?) le faire. Mais les auteurs français sont sans doute moins procéduriers qu'on le pense, ou moins attentifs. Quand il s'agit d'erreurs aussi énormes, je pense qu'ils ont tort. Je pense aussi qu'une jaquette, comme la couverture d'un livre, ne doit pas indiquer n'importe quoi.

Mais ce n'est que mon opinion.

Les crédits tels qu'ils apparaissent dans le générique français et le générique américain.
Bien entendu, les deux créateurs sont nommés !


À suivre…

Nous sommes arrivés au terme de ces dix commandements. Il y a encore des impératifs que je n'ai pas mentionnés, parce qu'ils me semblent évidents, mais on peut les signaler rapidement :
– respecter l'ordre original de diffusion des épisodes sur FR3,
– ne pas supprimer (ça s'est vu !) les écrans présentant le titre de l'épisode sur fond de nébuleuse,
– ne pas s'emmêler les pinceaux dans la cadence de l'image (qui est à 25 images par seconde, et non 24), pour éviter de se retrouver avec une bande sonore qui passe au ralenti comme dans la triste édition Blu-Ray de Goldorak.

Aujourd'hui, le plus important, c'est que les fans, les amateurs, les spectateurs restent attentifs et capables de se mobiliser. Si un éditeur se lance dans une restauration d'Ulysse 31, cela lui coûtera très cher et peut-être aura-t-il besoin d'un soutien concret sous forme de financement collaboratif ; mais cela ne devrait se faire que sur un contrat clair, qui comportera des engagements précis, notamment, pourquoi pas ? l'engagement de respecter un certain nombre des commandements que j'ai proposés. Alors là, oui, cela en vaudrait vraiment la peine.

À suivre…

© Hervé Lesage de La Haye, octobre 2019.