mardi 26 octobre 2021

Actarus n'a jamais dit “métamorphose”

J'ai pris un retard certain dans la publication de mes articles consacrés aux génériques de Goldorak, mais j'ai une petite excuse : j'ai fait une découverte majeure, que je partage ici avec vous.

Goldorak à la Une

En cette rentrée Goldorak (le personnage, la série) fait la une de l'actualité française, de nouveau. C'est surprenant, et c'est logique : cette série animée, qui fit controverse lorsque son succès colossal et inattendu, à l'été 1978, confronta la France entière (enfants, parents, enseignants, journalistes…) à l'animation japonaise, s'est installée de longue date dans l'imaginaire collectif.


Est-il possible de critiquer Goldorak, et serait-ce utile ? À l'orée des années quatre-vingt, la télévision française ouvrait grand les vannes de la programmation jeunesse et il fallait remplir les grilles. La France n'était pas en capacité de produire des séries d'animation de longue haleine (il fallut aller au Japon pour qu'Ulysse 31 devienne possible) et surtout, acheter des séries japonaises ou américaines coûtait beaucoup moins cher. Côté Japon, Goldorak ouvrit grand la brèche, accompagné par Candy et rapidement suivi par Albator, puis Capitaine Flam — quatre séries-phares dont le succès ne s'est pas démenti mais auxquelles l'arrivée sur le petit écran français confère une importance historique. En parler avec recul n'est pas si simple.

Car, devant un tel triomphe, que peut-on dire ? Dans sa correspondance, François Truffaut, lui-même fin critique, explique un jour, en écrivant à Gérard Oury, qu'il lui semble totalement vain de prétendre analyser un film au succès aussi considérable que Le Corniaud : à quoi servirait-il d'en relever les éventuels défauts ou facilités, puisque qu'il a déjà l'unanimité pour lui ?

De même, il reste difficile d'aborder Goldorak par la face nord et d'en faire l'escalade critique en prétendant à l'objectivité. Cependant, fait remarquable, cette série qui fut à ce point décriée alors même qu'elle triomphait en termes d'audience a fait l'objet, trois décennies plus tard, d'un colloque universitaire. La parution des actes de ce colloque constitue, en soit, un événement assez extraordinaire et je recommande sa lecture à tout amateur d'animation. Mais la chose est partiellement biaisée : les spécialistes d'aujourd'hui qui étudient Goldorak avec le plus grand sérieux sont à peu près tous les téléspectateurs d'hier. La réhabilitation par des intellectuels plus vieux que Goldorak n'a pas eu lieu et l'heure n'est pas, pas encore, à la redécouverte de l'objet par des critiques qui n'ont pas grandi avec. (Et pour ce qui me concerne, vis-à-vis des séries sur lesquelles se concentre mon attention, ma posture n'est pas tellement différente : je suis un geek qui voudrait se dire spécialiste, et non l'inverse.)
Goldorak : l'aventure continue
sous la direction de Sarah Hatchuel
et Marie Pruvost-Delaspre
Presses universitaires de Tours, 2018.

Goldorak a été vu, en France, par des centaines de milliers de personnes, peut-être des millions. A été commenté pendant quarante années et plus, depuis les cours de récréation de la rentrée 1978 (… j'y étais !) jusqu'à Internet dans les années 2000, pour revenir dans les librairies, en 2021, sous forme d'une bande-dessinée francophone. Il aura fallu cinq auteurs (ça semble beaucoup) pour mener ce projet à bien, mais la présence au scénario de Denis Bajram, l'homme dont le cerveau a conçu l'impressionant Universal War One, est faite pour rassurer.

C'est simple : à l'automne 2021, cela faisait bien quarante ans qu'on n'avait pas autant parlé de Goldorak dans les médias. Chose impensable : la série est même de retour à l'antenne, en grande pompe, sur une chaîne de télévision publique, France 4, depuis quelques jours.

Voilà pour le préambule. Maintenant, venons-en au fait.

Goldorak dans la culture geek

Goldorak a été abondamment commenté par ses fans et fait même partie des objets d'étude qui, je le crois, ont contribué à l'émergence d'une culture geek active en France. Ainsi la fameuse question « pourquoi le siège d'Actarus fait-il deux demi-tours lorsqu'il passe de la navette de Goldorak à la tête du robot ? » fait partie des tous premiers sujets geek dont le traitement, sur Internet, a été remarqué et signalé par les médias généralistes. Pour étudier cette question, Omar Cornut a créé un site Internet où il a, dès 1997, collecté toutes les hypothèses possibles, des plus sérieuses aux plus farfelues : la seule constante, c'est le sérieux de la démarche elle-même.

(Capture d'octobre 1999 consultée sur Archive.org)

Le journal Le Monde en fait état dans son édition du 20 novembre 1998, il y a près d'un quart de siècle et c'est tout sauf anodin ; à mes yeux, cet article constitue une date fondamentale dans l'histoire des études geek en France.

Pour mémoire, le site d'Omar Cornut a existé sous les URL successives suivantes :
www.mygale.org/~affgold/#expose
http://www.multimania.com/affgold/
http://www.autolargue.net

Aujourd'hui, on le trouve ici : http://autolargue.miracleworld.net/

Terminologie

L'une des grandes caractéristiques de Goldorak, c'est la richesse de sa terminologie, dont on sait qu'elle a été traduite, pour les besoin de la version française, avec beaucoup de créativité sous la direction de Michel Gatineau, qui en fut l'adaptateur : les « fulguropoings », « astéro-hache » et autres « cornofulgure », scandés tant et plus dans les cours de récréation sus-mentionnées, ont été des vecteurs de ce succès et de son inscription dans l'imaginaire collectif.

Dans un article de Ouest-France daté du 27 août 2021, on peut lire :
Évoquer Goldorak, c’est également se remémorer le vocabulaire qui l’accompagne. Les fans se souviendront de « métamorphose ! » lorsque Actarus doit rejoindre le robot.

Aujourd'hui, nombreux, très nombreux, sont sur Internet les lieux d'érudition (blogs, forums, wiki) proposant un inventaire des termes employés ainsi que leur définition. Les plus savants signalent la correspondance entre termes français et termes japonais. Les plus pointilleux signalent dans quel épisode chaque terme est employé pour la première fois.

Signalons par exemple :
https://albator.com.fr/AlWebSite/Goldorak.php
https://www.goldorakgo.com/wiki/index.php?title=Le_vocabulaire_technique
https://www.ledman.tech/wiki/doku.php?id=start:other:jokes:goldorak


Malgré les années qui passent, les échanges d'information entre spécialistes, quelques termes mal transcrits continuent parfois de circuler : non, à mon humble avis, les disques dentés lancés par la soucoupe ne se nomment pas « planitron » mais bien « planitronque » (qu'on écrira plutôt « planitronk »), du verbe « tronquer » qui signifie « couper ».

Quelques variantes orthographiques subsistent : après tout, puisqu'il s'agit de transcription de dialogues, qui sait s'il faut écrire « corno-fulgur », « corno-fulgure » ou « cornofulgur » ? « mégavolts » doit-il s'écrire au singulier ou au pluriel ? Il faut consulter des documents d'époque, qui sont rares, pour pouvoir, dans certains cas, trancher.

Mais, oui, j'en viens au fait.

Découverte

Cet été, j'ai entrepris de revoir Goldorak épisode par épisode et contre toute attente, j'ai découvert quelque chose.

Depuis quarante ans, l'un des termes les plus emblématiques de toute la série, l'un des plus souvent répétés, a été systématiquement mal compris par les téléspectateurs, les fans, les spécialistes, au point que nulle part, sauf erreur, je n'ai pu trouver trace d'une hésitation sur ce sujet, et moins encore, trace du terme véritablement employé dans la version française de Goldorak.

Car, à ce moment-clef où le héros s'élance dans les airs et va revêtir sa tenue de pilote, contrairement à ce que tout le monde considère comme acquis (cf. l'article de Ouest-France cité plus haut), Actarus ne crie pas : « Métamorphose ! »

Non.

À ce moment précis qui revient dans chaque épisode, le comédien Daniel Gall clame (attention…) : « Métamorphos ! »

Oui, vous avez bien lu : métamorphos, en prononçant le « s » final. En alphabet phonétique international, Actarus dit \me.ta.mɔʁ.fos\ et non \me.ta.mɔʁ.foz\

Et j'en veux pour preuve le montage suivant que j'ai effectué pour vous. J'ai mis, bout à bout, toutes les transformations d'Actarus en prince d'Euphor, du premier au soixante-quatorzième épisode. Au début de la série, chaque épisode ou presque contient un métamorphos ; quand on approche de la fin de la série, le montage fait parfois l'économie de cette séquence (on voit Actarus quitter l'observatoire, puis on le voit aux commandes de Goldorak). Je vous épargne le détail : si je ne me suis pas trompé, vous avez tout, et dans l'ordre.

Ouvrez grands vos oreilles et… oubliez tout ce que vous croyiez savoir.




Il faut reconnaître que la sonorité des deux mots est on ne peut plus proche. D'autant que, lorsque le comédien fait un peu traîner le « o », la consonne finale tend à se perdre : dans plusieurs épisodes on ne l'entend pas du tout. Elle reste cependant bien présente et audible dans beaucoup d'autres et je pense que le doute n'est plus permis. Car si ce \s\ n'est pas toujours nettement audible, je n'ai pas trouvé un seul épisode dans lequel on pourrait soutenir avec sérieux et sincérité que s'entend le \z\ final de « métamorphose ». C'est donc bien « métamorphos » que l'on doit maintenant écrire.

Ce mot inventé est surprenant, certes, mais cohérent, quand on y réfléchit, avec l'ensemble d'une traduction qui fait la part belle aux consonances grecques (Hydargos, Minos, Horos…). Il est intéressant, aussi, car « métamorphos » devient non plus une sorte de formule magique, mais une véritable commande vocale codée, entraînant non pas une métamorphose au sens de transformation, mais l'exécution d'une opération (dont le processus restera inconnu) qui permet à Actarus de revêtir sa combinaison. Ce mot s'inscrit dans l'arsenal des « transfert », « autolargue » et « ovostable ». [Correction du 7 novembre 2021 : j'avais écrit, par erreur, « autostable ».]


Et si l'on pousse un peu plus loin, ce « métamorphos » qui se prononce, donc « méta-mort-fosse », on peut aussi le comprendre, pourquoi pas ? « mets ta mort fausse ! ». Ce cri serait alors, pour le prince d'Euphor, l'expression d'un souhait : celui de ne pas mourir au combat. Je le reconnais, cette dernière proposition est quelque peu hardie.

Ce qui est surprenant, c'est que de 1978 à 2021, personne (apparemment) n'ait correctement compris ce mot. D'autant que… les indices existaient !

En effet, les paroles de la chanson « Le prince de l'espace », imprimées sur la pochette du disque vinyle 33 tours Goldorak comme au cinéma mentionnent ce terme et le font fidèlement à la VF du dessin animé :
TOI LE PRINCE DE L'ESPACE
CHEVALIER A LA ROSE
TU TE MOQUES DES MENACES
QUAND TU DIS MÉTAMORPHOS
C'est doublement intéressant, car en l'état, les paroles ne riment pas : c'est bien le mot « métamorphose » qui rimerait avec « rose ». Tout porte à croire que le parolier Pierre Delanoë a écrit (par erreur) « métamorphose », puis que ce mot a été corrigé pour que le texte de la chanson soit conforme à la terminologie de la VF, quitte à abandonner la rime.

Dans l'enregistrement, on ne peut pas dire que le mot soit très distinctement prononcé par le chanteur Jean-Pierre Savelli, qui devait être en difficulté devant cette rime qui ne fonctionne pas. En vertu de quoi les possesseurs de ce disque ont sans doute, tous, cru à une coquille dans le texte. Mais… la pochette du même disque contient également un outil précieux : un lexique dans lequel on trouve l'orthographe officielle de termes souvent mal transcrits que j'évoquais tout à l'heure (comme « planitronk » ou « mégavolt », au singulier). Et dans ce lexique, on peut lire, de nouveau, le mot « métamorphos » avec son orthographe correcte.
Deux fois ! Ce n'est pas une coquille. Il me semble au contraire que ce disque, ajouté au montage vidéo proposé ci-dessus, fait la preuve définitive de ce que j'avance.

Lorsqu'il revêt sa combinaison de pilotage de Goldorak, Actarus n'a jamais dit « métamorphose ».

[Ajout du 28 octobre 2021.]
Je découvre que ce sujet a brièvement été évoqué, en mars 2021, sur le forum Goldorakgo. On y apprend que le mot apparaît une troisième fois, dans le livret du disque Goldorak et l'ours polaire. Pourtant, à celui qui écrit « vous allez rire, j'ai revu le premier épisode, et on dirait bien qu'Actarus dit “métamorphos” », les autres répondent (je simplifie) « ah tiens, c'est drôle, c'écrit comme ça sur plusieurs supports mais c'est forcément une faute de frappe » et la discussion tourne court. [Fin de l'ajout.]

Cette erreur, reprise partout depuis plus de quarante ans, se trouve évidemment dans l'excellent ouvrage déjà cité, Goldorak : l'aventure continue (qui propose, en annexe, un lexique fort utile mais contenant des erreurs difficilement compréhensibles, comme le maintien de « planiton »). Elle se retrouve aussi, par rebond, dans la BD Goldorak récemment parue chez Kana.

Case tirée de Goldorak, par Dorison, Bajram, Cossu, Sentenac & Guillo (éd. Kana, 2021).



Mais non. Pendant 74 épisodes et d'innombrables rediffusions, sans que personne ne l'entende vraiment, Actarus a crié : « Métamorphos ! »

Et en japonais ?

Dans la version originale japonaise, les choses sont plus simples : lorsqu'il s'élance, le héros crie « Duke Fleed », ce qui est son propre nom.

Longue vie à tous ceux qui ont aimé ou qui ont détesté Goldorak : c'est ma génération, celle des souvenirs qui vivent encore aujourd'hui.


Merci à Gilles Broche.

© Hervé Lesage de La Haye, octobre 2021.

mardi 27 avril 2021

Les génériques de Goldorak (1) et (2)

 
À la mémoire de Shunsuke Kikuchi (1931-2021).



[Ajout du 29 avril 2021.]
Le 24 avril 2021, l'immense Shunsuke KIKUCHI est mort à l'âge de 89 ans, mais la nouvelle n'a été rendue publique que quatre jours plus tard. Dans la nuit du 26 au 27 avril, alors que je mettais la dernière main à l'article qui va suivre, puis que je le publiais en ligne, j'ignorais donc que le maître n'était plus et que l'hommage que je rendais à son travail serait posthume.

Très simplement, je veux glisser ici quelques mots en son honneur et bien sûr, j'ajoute humblement une dédicace à son nom.
Shunsuke Kikuchi (1931-2021)
Kikuchi était un géant.

Plus d'une fois, les musiques qu'il a composées ont su porter très haut la puissance dramatique de dessins animés que l'animation seule n'aurait pas toujours suffi à porter bien loin…

Il a œuvré, en effet, pour cet âge d'or de l'animation japonaise qui, entrée dans l'ère industrielle, mettait en place des modes de production destinés à faire de la série animée télévisée un secteur rentable, quitte à le faire au dépens de l'animation elle-même — du moins si l'on se borne à l'évaluer selon des critères purement techniques (diminution du nombre d'images par seconde, réutilisation de plans, recours à l'animation par cycles, recours fréquent à l'arrêt sur image, etc.). L'animation limitée à la japonaise n'a pas empêché son succès et il faut prendre le temps d'en comprendre les raisons.

Je suis personnellement convaincu que parmi les plus grands artisans de ce succès se trouvent les compositeurs. Je pense que très tôt, les grands studios japonais (Toei animation, TMS et leurs concurrents) ont compris combien il était important de s'attacher les services des meilleurs musiciens pour le petit écran, parce que sur un plan strictement comptable, il est beaucoup moins onéreux de payer un très bon compositeur et quelques jours d'enregistrement avec un orchestre que de faire travailler à plein temps des centaines de dessinateurs pendant des mois. Et Shunsuke Kikuchi fait partie, avec Kentarō Haneda (1949-2007) et Takeo Watanabe (1933-1989) de ceux qui étaient capables d'ajouter une plus-value immense aux séries qu'ils mettaient en musique. Il a eu la chance de travailler au service de réalisateurs talentueux qui savaient exactement comment, par l'art du montage, les noces alchimiques de l'image et de la musique pouvaient transformer la matière brute en or. Alors le gag le plus éculé fait rire, la séquence de combat déjà vue mille fois vous cloue au fond de votre siège, le plan fixe le plus anodin sur un visage immobile vous tire des larmes.

En France, Goldorak est la série qui a permis aux spectateurs, pour la première fois, d'entendre la musique de Shunsuke Kikuchi. Je suis heureux et ému de pouvoir vous en parler, un peu, aujourd'hui, et surtout, de parler de ses partitions et de les montrer. J'ai également ajouté, en fin d'article, une petite sélection discographique.


Est-il nécessaire de présenter Goldorak ? Série animée japonaise en 74 épisodes réalisée sous la direction de Tomoharu Katsumata d'après des personnages de Gō Nagai et produite par Toei Animation, UFOロボ グレンダイザー (littéralement : UFO Robo Grendizer, c'est-à-dire « le robot ovni Grendizer ») est diffusé en France à partir de 1978 sous le titre Goldorak (l'écran-titre français indique Goldorak, le robot de l'espace, qui restitue assez fidèlement le titre original). Le succès immédiat et considérable de la série ainsi que les controverses qui l'accompagnent vont contribuer à façonner durablement le paysage audiovisuel français ainsi que les débats qui l'animent.
Témoins de ce succès hors-norme, un nombre impressionnant de diffusions (cinq en l'espace de dix ans) mais aussi l'enregistrement successif de nombreuses chansons destinées à accompagner les génériques (huit chansons en dix ans). Il faudrait consacrer un article complet aux nombreux disques dédiés à Goldorak qui ont été commercialisés en France à cette époque. Modestement, je me contenterai de parler des chansons elles-mêmes.

Mais ai-je quelque chose de nouveau à proposer qui n'ait pas encore été dit ou écrit à propos des génériques de Goldorak ?

En France, les chansons de génériques de dessins animés de la période 1978-1988 font l'objet, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, d'un véritable culte. Ce culte a ses prophètes, ses apôtres, ses prêtres, ses écrits (des livres, des disques), ses prêches (des vidéos sur Youtube, des podcasts), ses cérémonies (des concerts) et bien sûr, ses fans. Comme c'est souvent le cas dans les domaines de la para-culture ou de la culture geek, les plus grand érudits (Olivier Fallaix, Archangel Eddy Chantel) en matière de génériques sont avant tout de grands collectionneurs. Il me semble toutefois remarquable de constater que ce culte consacré aux génériques (et pour être précis, aux chansons de génériques) peut donner lieu à d'innombrables échanges, discussions, commentaires mais que l'immense majorité de cette glose, consacrée à l'histoire des enregistrements, aux interprètes, à la discographie, ne se risque presque jamais à évoquer les aspects strictement musicaux de ce domaine. Est-il donc possible, comme l'ont fait Rui Pascoal et Olivier Fallaix en 2019, de consacrer un livre entier aux génériques sans jamais parler de musique ni présenter une seule page de partition ? Apparemment.

Soit ! Loin dénigrer tout ce qui précède, j'en conclus que oui, il reste des choses à dire sur les chansons de Goldorak. Sans entrer dans l'érudition discographique, je tâcherai de décrire avec précision les différents génériques japonais et français tels qu'ils furent utilisés et donc, en me concentrant non sur les versions longues qui ont été exploitées au disque, mais sur les versions télévisées (parfois différentes). Sans m'égarer dans le commentaire musicologique (contrairement à ce que j'ai pu lire un jour sur Twitter, je ne suis pas musicologue !), je donnerai pour ces différentes chansons, outre leur texte, un aperçu de leur écriture musicale et de leur orchestration. Et pour chacun d'entre eux, je donnerai une partition complète sur trois ou quatre portées (chant + accompagnement).

Nous voilà partis pour un marathon en dix épisodes consacré à l'intégralité des chansons des génériques de Goldorak ! Aujourd'hui, épisode double : les génériques originaux japonais.

Les génériques japonais
Chaque épisode de Goldorak commence par un générique d'ouverture (durée 1'10) et se termine par un générique de fin (1'10 également). Les deux sont chantés et interprétés par Isao SASAKI. Shunsuke KIKUCHI, compositeur des musiques de la série, signe également celle des génériques. Curieusement, il orchestre seul le générique de début mais l'orchestration du générique de fin est confiée à Kenichiro MORIOKA.

Ces deux chansons d'une durée identique sont bâties sur un modèle assez proche :
– même longueur (42 mesures) et même tempo, rapide (150 à la noire),
– quelques mesures d'introduction et un couplet, en mineur,
– un refrain dans la tonalité majeure homonyme,
– une conclusion fracassante.

Les deux chansons sont exécutées par un effectif important qui rassemble la plupart des pupitres que l'on entendra dans la musique de la série elle-même : cordes, cuivres, percussions, basse, batterie, guitares.

Dans les grandes lignes, l'écriture est toute simple, résolument tonale, et repose essentiellement sur la mélodie. Mais l'orchestration est redoutable : cuivres et percussions se chargent de donner au chant un contrepoint façon fanfare, ce qui souligne les accents guerriers du texte. Alors que la mélodie chantée s'appuie principalement sur les temps forts, les cuivres jouent des rythmes brisés, façon jazz, avec force syncopes et croches décalées.

Tobe! Grendizer, mesure 12 Uchū no ōja Grendizer, mesure 28
Ci-dessus, deux exemples de croches décalées jouées par les cuivres dans les deux chansons.

Dans le second exemple, ce motif vient se superposer sur une basse syncopée elle aussi, produisant un décalage supplémentaire : un quart de temps seulement (soit la valeur d'une double-croche) sépare le si aigu joué par la basse du si joué par les trompettes, et un quart de temps sépare ensuite le si des trompettes de celui que jouent les cordes (le seul à être posé sur un temps fort).

Voici le texte japonais des deux chansons, ainsi que sa traduction. Ne lisant pas le japonais, je me suis appuyé sur les traductions proposées par Céline Epalle dans son intéressant mémoire de master intitulé Diffusion et réception du manga en France : l'exemple de Goldorak, de 1978 à nos jours (2017). J'ai corrigé quelques erreurs manifestes et tenté d'affiner le tout, grâce à l'aide précieuse de Gilles Broche, que je remercie.



とべ!グレンダイザー
Tobe! Grendizer

[générique de début]

Paroles : Kogo HITOMI
Musique, orchestration : Shunsuke KIKUCHI
Chant : Isao SASAKI
avec le chœur Columbia Yurikago-Kai

Le texte

Le titre de cette première chanson est tiré de son premier couplet : Tobe, tobe Grendizer signifie « vole, vole, Goldorak ».

ゆけゆけ デュークフリード
とべとべ グレンダイザー
Va, va, prince d'Euphor,
Vole, vole Goldorak !
大地と 海と 青空と
友と誓った この平和
守りもかたく たちあがれ
Lève-toi pour protéger
La paix comme tu l'as promis
À la terre, la mer et au ciel bleu.
地球はこんなに 小さいけれど
正義と愛とで 輝く星だ
守れ 守れ 守れ
人間の星 みんなの地球
   
   
La Terre est si petite, mais
Grâce à l'amour et à la justice, c'est une étoile brillante
Protège-la, protège-la, protège-la,
L'étoile des hommes, notre planète à tous !

   (d'après la traduction de Céline Epalle)

La musique

Avec « Tobe! Grendizer », je me demande si l'on ne tient pas, musicalement, le plus marquant de tous les génériques de Goldorak. C'est, en tout cas, le plus spectaculaire. Après une introduction fracassante en fa mineur qui annonce le thème, le couplet démarre dans la même tonalité, accompagné par un orchestre discret au tout début mais dont les interventions vont s'amplifier. La manière dont les doubles-croches des violons, puis les envolées de trompettes, viennent s'enrouler autour du chant, le tout soutenu par une rythmique infernale, est terriblement efficace : c'est une chevauchée à bride abattue.

Le couplet (« et au ciel bleu ») se ferme sur un rapide changement de tonalité par juxtaposition (deux accords de fa successifs, fa mineur puis fa majeur) qui permet l'arrivée du refrain, dans la tonalité homonyme majeure. Si l'on ajoute à cela l'entrée d'un chœur d'enfants qui vient doubler la mélodie, force est de constater que le kitsch n'est pas loin… mais les choses vont vite et arrive déjà la coda, en fa mineur de nouveau ; je reste stupéfait par la puissance dramatique de cet accord de sol bémol majeur martelé huit fois de suite ! Et le générique s'arrête, par la magie d'une tierce picarde, sur un accord majeur posé de façon abrupte non sur un premier mais sur un troisième temps.

Cet accord répété huit fois peu avant l'accord final est une sixte napolitaine.
Une cadence similaire sert de transition entre couplet et refrain (mes. 18 à 20).

Comme beaucoup d'autres compositeurs japonais pour le dessin animé, Shunsuke Kikuchi ose tout, c'est même à cela qu'on reconnaît son talent.

L'image

Dans le générique tel qu'il est monté, le rapport image/son est distant et seuls les premiers plans font directement écho aux paroles de la chanson :
– Actarus qui court sur « Va, va, va, prince d'Euphor »,
– première apparition de Goldorak sur « Vole, vole Goldorak ! ».

Ensuite, pour l'essentiel, le générique présente des séquences montrant Goldorak en train de détruire un à un toutes sortes d'ennemis. Il s'agit de dire au spectateur ce que sera la série, ou du moins de formuler une promesse. Dans la bande-son, quelques bruitages assez agressifs, principalement dans l'aigu, viennent se superposer à la musique. Avec ce générique de début, image et son annoncent nettement la couleur : Goldorak sera une série d'action riche en combats, en coups de laser, en explosions.

Pour ceux qui ne l'auraient encore jamais vu, voici donc ce générique de début japonais.


Générique de début japonais


La partition

Je vous propose la partition de cette première chanson, établie par mes soins. La partie chantée est notée avec une translittération du texte japonais en alphabet latin. Pour les parties instrumentales, j'ai fait le choix d'une transcription/réduction sur deux portées. Ce n'est pas exactement une réduction pour piano : il s'agit plutôt d'une version ramassée et aussi lisible que possible de tout l'orchestre (violons, cors, trompettes, timbale, basse). La portée inférieure reproduit fidèlement la ligne de basse, avec l'ajout de quelques interventions des timbales. La portée supérieure concentre, sous forme simplifiée, les cordes et les cuivres. Ainsi, les pianistes et et claviéristes pourront sans peine produire leur propre version ; les curieux pourront jouer à analyser l'écriture musicale ; et les orchestrateurs en herbe, qui souhaiteraient adapter la musique pour un ensemble de musiciens quel qu'en soit l'effectif, auront une base de travail qui me semble solide.

En voulant reproduire avec fidélité les différentes parties sur la même portée, j'ai parfois créée des enchevêtrements qui peuvent rendre la lecture inconfortable… vous voudrez bien m'en excuser. J'ai fait au mieux, et ce n'est sans doute pas parfait. J'ai la faiblesse de penser que rien d'aussi précis n'avait été diffusé jusqu'à présent.

Et si vous repérez des éventuelles erreurs, vous serez assez aimables pour me les signaler !



 
宇宙の王者グレンダイザー
Uchū no ōja Grendizer

[générique de fin]

Paroles : Kogo HITOMI
Musique : Shunsuke KIKUCHI
Orchestration : Kenichiro MORIOKA
Chant : Isao SASAKI
avec le chœur Kōrogi' 73

Le texte

Le titre de cette chanson est, en fait, son dernier vers. Uchū no ōja Grendizer peut se traduire par « Goldorak, le héros de l'espace » mais également par « Goldorak, le roi de l'univers ».

(UFO UFO)
切り裂け怒りの ダブルハーケン
たたかえ グレンダイザー
もう許せない
(OVNI ! OVNI !)
À la fureur de ton astéro-hache,
Bats-toi, Goldorak,
Sois sans merci !
果てない暗さの 宇宙空間
今こそ グレンダイザー
光をともせ
Dans l'obscurité infinie de l'espace,
Le moment est venu, Goldorak,
D'apporter la lumière.
地球の緑の 若葉のために
ただ一輪の 花のために
デュークフリードは 命をかける
(グレンダイザー ゴー!)
宇宙の王者 グレンダイザー
   
   
Pour les jeunes pousses vertes de la Terre,
Juste pour une fleur,
Le prince d'Euphor risque sa vie
(Goldorak go !)
Le héros de l'espace, Goldorak !

   (d'après la traduction de Céline Epalle)

La musique

Hormis que l'on est en tonalité de si (et non en fa), dans sa structure, ce générique de fin ressemble considérablement à son alter-ego. Introduction puis couplet en si mineur donc, même tempo (noire à 150), mélodie qui s'appuie sur les temps forts, avec les cuivres en contrepoint, sur des rythmes décalés. La musique appuie les accents dramatiques du texte qui évoque la « fureur » (ou la rage) et « l'obscurité infinie ». Il suffit d'un mot (« lumière ») pour renverser la couleur et passer immédiatement en tonalité de si majeur, pour le refrain qui évoque les « jeunes pousses », les « fleurs », accompagné par une polyphonie de voix d'hommes… jusqu'à une fin brève, avec un très léger ritenuto qui conduit à l'accord final (si majeur). Ouf !

Un détail pittoresque parmi d'autres : comme pour affirmer assez vite que tous les coups sont permis, l'orchestrateur assume les accents déplacés avec un énorme coup de timbale venu presque n'importe où (un si, qui tombe un demi-temps après la basse qui pose la même note) :
Uchū no ōja Grendizer, mesure 8

L'image

Ici, la correspondance entre image et son est plus étudiée que dans le générique de début et ne s'interdit pas quelques redondances :
– plans sur Goldorak en vol et ses armes pour l'introduction et le couplet en mineur,
– astéro-hache à l'écran au moment où le mot est prononcé (en japonais ダブルハーケン = « double harken »),
– joie d'Actarus sur la Terre lorsque l'on passe en majeur et qu'entrent les chœurs,
– apparition d'une fleur sur « juste pour une fleur »,
– apparition du double visage d'Actarus sur « le prince d'Euphor risque sa vie ».
Contrairement au générique de début, la bande-son du générique de fin utilise la chanson telle quelle, sans ajout de bruitages.


Générique de fin japonais

La partition

Comme pour le générique précédent, je propose aux plus musiciens d'entre vous la transcription complète de « Uchū no ōja Grendizer » dans sa version TV, sur quatre portées cette fois. Le chant est reproduit tel quel, avec la translittération des paroles japonaises en alphabet latin. Les parties d'orchestre (cordes, cuivres, percussions) sont réduites sur une double portée de piano, sur laquelle figure la ligne de basse en portée inférieure, et en portée supérieure toute l'harmonie et les principales lignes et fioritures. Et s'ajoute tout en haut une quatrième portée avec la transcription des chœurs d'hommes.

Là aussi, n'hésitez pas à me signaler les éventuelles erreurs.


À suivre…

Dans les prochains épisodes de cette série, nous parlerons des génériques français chantés par Enriqué, Noam, les Goldies, Lionel Leroy, Bernard Minet… avec bien sûr la totalité des partitions !


Discographie

[Section mise à jour le 29 avril 2021.]
Au Japon, les chansons « Tobe! Grendizer » et « Uchū no ōja Grendizer » ont été exploitées commercialement à plusieurs reprises, soit dans la version du générique de la série (dite « version TV »), soit dans une version longue comprenant pour chacune un couplet et un refrain supplémentaires.


 
UFOロボ グレンダイザー
Réf. : Columbia SCS-270
 
Sur ce disque 45 tours paru en octobre 1975, les deux chansons sont présentées dans leur version longue.

 
菊池俊輔作品集
Réf. : Columbia CS-7122-3
 
Paru en 1979, ce double album vinyle 33 tours est une anthologie consacrée aux bandes originales de quatre séries animées mises en musique par Shunsuke Kikuchi : Tiger Mask, Casshern, Getter Robo et Goldorak. On y trouve les deux chansons du générique dans leur version TV.
 
Réédité sous forme d'un double CD en 1991.
(Réf. : Columbia COCC-7239-40)

 
UFOロボ グレンダイザー
Réf. : Columbia CX-7099
 
Paru en juin 1983, cet album présente une belle sélection des musiques de Goldorak. On y retrouve les deux chansons dans leur version TV.
 
Cet album est réédité au format CD en septembre 2004. Ce disque constitue une excellente introduction à la musique de Shunsuke Kikuchi.
(Réf. : Columbia COCC-72072)
UFOロボ グレンダイザー
Eternal Edition File No. 7 & 8

Réf. : Columbia COCX-32101 -2
 
Paru en mars 2003, ce double-CD rassemble l'essentiel des musiques de la série Goldorak, ainsi que les deux chansons du générique (en version longue chantée et version longue instrumentale).

 
UFOロボ グレンダイザー & Others
Eternal Edition File No. 9 & 10

Réf. : Columbia COCX-32228 -9
 
Paru en mai 2003, ce second double-CD complète le précédent, avec quelques musiques supplémentaires ; on y retrouve les deux chansons dans leur version TV.

Références

J'ai emprunté à Simon Bréan l'idée des érudits-collectionneurs (même si le générique de dessin animé cherche encore son Pierre Versins…) :
Simon Bréan, « Les érudits de la science-fiction en France, une tradition critique endogène », ReS Futurae [En ligne], 1 | 2012.
https://journals.openedition.org/resf/131

Et puisque je l'ai cité, voici les références du mémoire de Céline Epalle :
Céline Epalle, Diffusion et réception du manga en France : l'exemple de Goldorak, de 1978 à nos jours, 2017.
https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/notices/67857-diffusion-et-reception-du-manga-en-france-l-exemple-de-goldorak-de-1978-a-nos-jours


Merci à Gilles Broche, fin connaisseur de Goldorak et appui indispensable.
Merci à François Vey et Julien de La Haye pour leur relecture attentive de la partition de « Tobe! Grendizer » et leurs précieux conseils. C'est à chaque fois un plaisir d'échanger avec eux qui savent l'un comme l'autre conjuguer pragmatisme et érudition.

© Hervé Lesage de La Haye, avril 2021.

lundi 1 février 2021

Quarante ans d'Ulysse 31 : entretien avec Laurent Dobbelaere

Entretien réalisé par écrit le 30 janvier 2021.


Laurent Dobbelaere, bonjour. L'édition du 40e anniversaire est le quatrième album consacré à la musique d'Ulysse 31 que vous produisez depuis 2013. Est-ce bien raisonnable ?

Non, pas raisonnable du tout ! La seule raison de cette 4e sortie est que je ne suis moi-même pas satisfait des éditions 2013 et 2016. Si je pouvais retourner en arrière, je n'aurais jamais sorti l'édition de 2013 ni celle de 2016, et uniquement celle-ci, de 2021. Mais je suis conscient qu'on trouve toujours des imperfections sur n'importe quelle édition.


Les quatre disques consacrés à Ulysse 31 qu'a produits Laurent Dobbelaere
2013201620182021

Vous avez fait la connaissance des compositeurs Denny Crockett et Ike Egan il y a déjà vingt ans. Comment vivent-ils l'intérêt que vous portez à leur musique ? Ils n'en ont pas marre que vous leur parliez d'Ulysse 31 ?

Au début ils n'y croyaient pas trop, je crois. Je leur suis toujours reconnaissant d'avoir fait confiance à un parfait inconnu et lui avoir donné une copie de ces musiques, il y a presque 20 ans, sans vraiment avoir la certitude de ce qui allait se passer. Après la signature des contrats pour les droits musicaux et la sortie de la première édition, ils étaient assez surpris et impressionnés. Au début, Ike Egan était beaucoup plus intéressé par Ulysse 31 que Denny Crockett. Presque 20 ans plus tard c'est l'inverse : Denny Crockett est beaucoup plus intéressé par Ulysse que Ike Egan !

Que cette BO continue à être rééditée (et à se vendre !) quarante ans plus tard, ça les surprend ?

Pour eux c'était un projet parmi des centaines d'autres pour la télévision, sans importance particulière et oui, chaque nouvelle édition les surprend même si je leur dis toujours que c'est la dernière ! En dehors des chèques de royalties qu'ils recevaient pour chaque diffusion TV d'Ulysse 31, ils n'avaient jamais vu le dessin animé avant que je ne les rencontre en 2002.

Les compositeurs d'Ulysse 31 photographiés avec leur groupe en 2014 ou 2015.
De gauche à droite : Rich Dixon, Denny Crockett, Kenny Hodges, Walt Gregory et Ike Egan.

À quel moment avez-vous découvert que trois morceaux du compositeur japonais Seiji Suzuki sont utilisés dans la série ? L’avez-vous rencontré ?

Non, je n'ai pas rencontré Seiji Suzuki moi-même. Ce sont mes contacts chez TMS à Tokyo qui lui ont rendu visite, chez lui, pour parler entre autres d'Ulysse 31 et qui lui ont transmis mes questions. Parmi ces questions se trouvaient ces trois musiques inconnues, qui ont été écoutées par M. Suzuki, et il a confirmé que c'était bien lui qui en était à l’origine, ainsi que pour les effets sonores et le pilote.

Que vous a-t-il dit de son travail pour Ulysse 31 ?

Simplement qu'il se souvenait bien de ces sons et morceaux très étranges qu'il avait composés. Rien de plus. Il était très malade malheureusement.

On retrouve dans cette édition les bruitages originaux de la série. D'où proviennent-ils ?

De bandes masters retrouvés chez TMS à Tokyo, à nouveau par mon contact là-bas. C’est une personne formidable. Sans elle, personne n'aurait fait le moindre effort pour fouiller.

Avez-vous eu des contacts avec Shuki Levy ?

Non, jamais. Uniquement quelques échanges avec sa secrétaire ou son assistante. Idem pour Haïm Saban.

Au cours des vingt dernières années, la musique d'Ulysse 31 a suscité un nombre incroyable de sorties, en CD et vinyle. Comment expliquer un tel engouement ?

C'est une excellente bande-son. Le nombre de sorties, il y a plusieurs façons de l’expliquer : certains le font pour l'argent, d'autres pour la passion. Mais on dirait que cette bande-son continue à enchanter les gens même après 40 ans.

Quel regard portez-vous sur la double partition de Denny Crockett et Ike Egan ?

Bien que Jean Chalopin n'ait pas aimé la partition Crockett/Egan, pour moi comme pour la plupart des fans, c'est vraiment un chef d'œuvre, à l’exception des génériques Crockett/Egan qui n'étaient pas adaptés pour Ulysse 31.

La série intègre également des musiques supplémentaires composées par Shuki Levy. Selon vous, elles étaient vraiment nécessaires ?

Difficile à dire. Étant gosse, je ne me posais pas la question et j'ai longtemps ignoré qu'il s'agissait d'autres compositeurs. Mais je trouve que les morceaux de Shuki Levy n'exercent pas la même attraction que les morceaux rock de Crockett/Egan, même si « Récits et légendes » reste inoubliable et colle parfaitement aux scènes dans la série.

En 1983, ce vinyle était le premier à proposer 7 pistes instrumentales composées par Shuki Levy,
mais « Récits et légendes » n'en faisait pas partie

Que pensez-vous du montage musique dans la série elle-même ?

Rien a dire, je trouve le montage excellent ainsi que le choix des musiques dans chaque épisode.

Parmi les nombreuses chansons de générique, y compris celles de Crockett et Egan qui n'ont pas été utilisées, avez-vous une préférence personnelle ?

Sans hésitation, la version courte du générique de début par Saban/Levy en 1981.

Avec la parution de cet album, c'est une aventure de presque vingt années qui s'achève… quel regard portez-vous sur cette période ? Que vous a-t-elle apporté, personnellement ?

On apprend beaucoup, non seulement sur la fabrication de CD et les droits d'auteur, mais également durant les multiples voyages aux États-Unis, ce furent des expériences nouvelles dans un autre pays, des moments inoubliables avec ma famille et une amitié de longue date avec Denny Crockett et Ike Egan, quelque chose que je n'aurais jamais pu imaginer quand je les ai rencontrés pour la première fois en 2002.

Il y a vingt ans, on disait les bandes perdues, puis les découvertes se sont enchaînées. Dans cette quête aux multiples rebondissement, quel a été pour vous le moment le plus fabuleux ?

Sans hésitation, le jour ou j'ai reçu les musiques sur deux CD pour la première fois en 2002. Rien de comparable à ce moment…

Et le moment le plus difficile ?

La frustration des recherches parfois, le stress des projets qui doivent être terminés sous pression, les erreurs qu'on découvre quand il est trop tard, l’angoisse de l'investissement financier, le regret quand les gens ne sont pas contents du produit après toute l'énergie et l'argent dépensés dans le projet.
Les magnétophones comme celui-ci sont encore aujourd'hui utilisés à Abbey Road,
studio londonien où furent restaurées les bandes d'Ulysse 31

Cet album intègre quelques pistes supplémentaires provenant de bandes récemment découvertes par TMS, au Japon. De nouvelles découvertes sont-elles encore possibles ?

Bien sûr, mais moi je n'ai plus l'énergie pour ça. Si quelqu'un a une bonne dose d'énergie, beaucoup de temps et d'argent à y consacrer, tout est trouvable.

L'épisode pilote (version japonaise) se distingue par des musiques extrêmement différentes de la série, et tout à fait intéressantes. Y a-t-il un espoir de les retrouver un jour ?

Elles sont dans le garage de Seiji Suzuki. Si quelqu'un à l'énergie, le temps et l'argent ainsi que les bons contacts autour de Seiji Suzuki, c'est évidemment possible.

Reste un mystère pour nous : qui êtes-vous, Laurent Dobbelaere ?

Je crois que cette question n'est pas intéressante pour les fans d'Ulysse 31. La plupart des gens qui produisent ce genre de projets travaillent dans le domaine de l'animation. Moi je travaille depuis plusieurs années dans le domaine de la médecine anti-âge, nutrition, santé et compléments alimentaires… rien a voir !

Vous-mêmes, pratiquez-vous ou avez-vous pratiqué la musique ?

Non, je ne pratique pas la musique.

Quels sont vos plus vieux souvenirs d'Ulysse 31 ?

Je me souviens que j'ai vu Ulysse 31 pour la première fois sur RTL par accident. C'était l'épisode du cyclope au complet, pas par tranches de 5 minutes. C'était déjà sur les écrans en septembre 1981 en Belgique, avant la première diffusion en France, et j'ai été immédiatement envouté, et chaque jour je regardais les programmes télé pour savoir quand ce dessin animé serait diffusé à nouveau et je n'ai jamais manqué une diffusion ensuite sur RTL mais également sur FR3 à partir d'octobre 1981. Je me souviens également avoir été très triste que la série se termine aussi vite en avril 1982.

Ulysse 31 se distingue par sa qualité d'écriture, sa mise en scène et, bien sûr, une bande-son extrêmement typée et accrocheuse. Y a-t-il, à vos yeux, des séries animées qui peuvent rivaliser ?

Côté bande-son, La Bataille des planètes, Capitaine Flam et Cosmocats ont de très belles musiques, mais aucun d'eux n'a le mix innovateur de la bande son d'Ulysse 31 qui contient de l'orchestral, du punk-rock, de la techno, du jazz, de la fusion, le tout mixé pour en faire quelque chose de jamais entendu à cette époque dans un dessin animé.

Cette édition est bien partie pour être épuisée en quelques jours. Que pouvez-vous dire à ceux qui n'auront pas réussi à l'acquérir ? Un second tirage est-il possible ? Ou une version dématérialisée, peut-être ?

Si j'avais su que les ventes se feraient aussi rapidement, j'aurais produit 1 000 exemplaires mais je ne voulais pas prendre de risques avec cette période très incertaine du covid. Un nouveau tirage représenterait un nouvel investissement financier, donc je ne sais vraiment pas. Une version dématérialisée serait peut-être le plus intéressant car on voit que le format CD est en train de disparaître petit à petit.

Ulysse 31 va avoir quarante ans. Pour cet anniversaire, quel souhait aimeriez-vous voir se réaliser ?

Le box DVD/Blu-Ray, mais je sais également que tout reste bloqué niveau droits. Espérons que les parties concernées se remettent à table avant la fin de l'année. On peut toujours rêver…

Merci beaucoup, Laurent.

Pour savoir très exactement ce que contient cette réédition de la musique d'Ulysse 31, c'est ici : Quarante ans d'Ulysse 31 : une nouvelle édition de la BO arrive !

© Hervé Lesage de La Haye, janvier 2021.

jeudi 28 janvier 2021

Quarante ans d'Ulysse 31 : une nouvelle édition de la BO arrive !

La série animée Ulysse 31 va fêter son quarantième anniversaire à l'automne prochain. À cette occastion, l'inoxydable Laurent Dobbelaere a conçu une réédition très attendue de la bande originale dans un beau coffret double CD.


Cinq ans après un double CD historique, qui contenait l'intégralité des musiques de la série composées par Denny Crockett, Ike Egan et Shuki Levy, trois ans après un vinyle rapidement introuvable qui proposait une sélection de musiques réhaussée par les bruitages originaux de la série et trois pistes rarissimes de Seiji Suzuki, le contenu du double CD et du vinyle est judicieusement rassemblé dans une nouvelle édition double CD qui se veut définitive.

La date de sortie officielle est le 31 janvier 2021 mais attention : comme ce fut le cas pour le vinyle de 2018, cette édition est limitée à 500 exemplaires et à quelques jours de la sortie officielle, plus de la moitié du tirage s'est déjà écoulé en prévente.

Que contient exactement ce double CD ?

Toutes les musiques de Denny Crockett et Ike Egan entendues dans la série, déjà présentes sur le précédent double CD ?
 
OUI.
Toutes les musiques de Shuki Levy entendues dans la série, déjà présentes sur le précédent double CD ?
 
OUI.
Les différentes déclinaisons du générique présentes dans le précédent double CD ?
 
OUI. Seul un générique en version anglaise est supprimé, pour des raisons de place.
Les quelques musiques de Seiji Suzuki entendues dans la série et découvertes sur le vinyle de 2018 ?
 
OUI.
Les bruitages originaux de la série présents dans le vinyle ?
 
OUI, avec quelques bruitages supplémentaires.
La composition originale inédite de Denny Crockett pour piano, enregistrée spécialement pour le vinyle ?
 
NON, pour des raisons de place et parce qu'elle n'a pas soulevé un grand enthousiasme.
Les versions TV des génériques de Shuki Levy ?
 
OUI et NON : la version TV des génériques de début (« Ulysse ») et de fin (« Ulysse 31 ») de la première diffusion sont présents, mais pas la version TV d'« Ulysse revient », dont aucun master n'a été retrouvé.
Des inédits ?
 
OUI Quelques pistes orchestrales Crockett/Egan supplémentaires (faisant partie des sessions Ulysse 31 mais non utilisées dans la série), et des effets sonores absents du vinyle.
Le fameux chant des moines cyclopes du premier épisode ?
 
NON. Cette musique est absente de toutes les bandes master connues et son compositeur n'a pas pu, à ce jour, être identifié.

Le livret de 20 pages, en français, proposera un tout nouveau texte dans lequel Laurent Dobbelaere propose son analyse personnelle de la bande originale et revient sur l'aventure incroyable qu'a été la découverte des bandes il y a presque vingt ans et tout ce qui s'est passé depuis. On y trouvera des informations inédites et des documents d'archive.

Où est-il possible de précommander cette édition ?
Ici :
http://www.soundtrackcorner.de/ulysse-31-40th-anniversary-expanded-archival-collection-p8638.htm
et ici :
https://www.musicbox-records.com/fr/cd-musiques-de-films/9673-ulysse-31-40e-anniversaire.html

Si vous avez manqué le double CD de 2016 et/ou le vinyle de 2018, c'est le moment de foncer.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire : Quarante ans d'Ulysse 31 : entretien avec Laurent Dobbelaere.
© Hervé Lesage de La Haye, janvier 2021.

Merci à Laurent Dobbelaere pour sa confiance et sa persévérance.