mardi 27 septembre 2011

Jeanne-A Debats, Plaguers

Futur proche, quelque part en banlieue de Paris. Un matin de septembre, Quentin passe les portes d’une institution qui accueille les adolescents affectés de la « plaie », dont il devient pensionnaire. Comme la farouche Illya qui arrive le même jour que lui, comme Fred et Leila qui les accueillent, Quentin est un mutant. Un monstre, condamné à vivre à l’écart du reste du monde. Chacun souffre d’un mal différent, chacun a son pouvoir, qu’il faut apprendre à contrôler, à apprivoiser ; dans cette communauté de déviants, le jeune homme trouve progressivement sa place mais apprend également que sa métamorphose n’est pas terminée. Le retour parmi les hommes, sur cette terre ravagée, empoisonnée qui est la nôtre, ne sera jamais possible. Quentin apprend à l’accepter. Mais de son côté, Illya rejette avec colère la terrifiante transformation physique qu’elle est condamnée à subir et se révolte, jusqu’à mettre en péril sa vie même.

Jeanne-A Debats, auteur de nouvelles remarquées, livre dans ce premier grand roman une fable à la fois amère et optimiste sur l’adolescence, qu’on lit l’estomac noué par l’émotion, et se place d’emblée comme l’un des écrivains français les plus talentueux dans le domaine de la science-fiction.

Jeanne-A Debats, Plaguers, L’Atalante, 2010.

 
© Hervé Lesage de La Haye, septembre 2011.

lundi 7 février 2011

Jean Echenoz, Des éclairs

Gregor est un savant génial qui va rater sa vie.

Inspiré du parcours de Nikola Tesla, ce livre est pourtant le contraire d'une biographie ; c'est une vie imaginée sinon imaginaire, l'histoire que Gregor vit dans sa tête, d'où les idées fusent comme des étincelles. Avec un humour pince-sans-rire et parfois ravageur, Echenoz brosse le portrait de ce bonhomme fantasque à la fois timide et sûr de lui, dans une Amérique de 1900 où tout est possible aux ambitieux et où l'ingénu Gregor se fera tout voler. Lorsque, pour le discréditer, ses concurrents détournent son travail sur l'électricité et inventent la chaise électrique, cela donne lieu à certaines pages les plus drôles de ce livre plein de surprises, comme l'étonnante histoire d'amour entre Gregor, vieilli, ruiné, abandonné, et un pigeon.

La première qualité du roman est un ton bien particulier, manière de suivre le personnage principal avec une tendre distance, d'en détailler les travers, les obsessions, les lubies sans le rendre jamais ridicule. Ce ton contribue à l'originalité de la forme, fiction documentaire qui ne peut que ravir ceux qui s'intéressent à la science autant que les amateurs de bonnes histoires.

Jean Echenoz, Des éclairs, éditions de Minuit, 2010.

 
© Hervé Lesage de La Haye, février 2011.