2001 : l'odyssée de l'espace, sorti aux États-Unis en avril 1968 (le 27 septembre 1968 en France) a cinquante ans. Un demi-siècle, pour un film sur le futur, c'est beaucoup. Pourtant, le légendaire bon film de science-fiction imaginé par Stanley Kubrick et Arthur C. Clarke tient le choc du temps qui passe, et il suffit de le revoir pour s'en convaincre. Il reste, également, absolument fidèle à ce qu'en disait le critique Michel Ciment : un film qui « exige et défie en même temps l'analyse ».
Je rentre tout juste du festival des Utopiales, à Nantes, où j'ai eu la chance d'être convié pour contribuer à célébrer cet anniversaire. Ce fut d'abord, vendredi 2 novembre au matin, une table ronde en compagnie de Marc Caro et d'Olivier Cotte, sous le feu des questions de Philippe Guedj. On en trouve un extrait conséquent sur Youtube, avec ce moment assez fantastique où Olivier Cotte explique, ce qui est vrai, que son chien adore 2001 (et pourquoi). Mes deux comparses ont assez magnifiquement su mêler la légèreté du ton et la pertinence du propos, moi un peu moins (si seulement j'avais su que les calembours étaient autorisés…! ceux qui me connaissent comprennent très bien ce à quoi les Utopiales ont échappé). Cette table ronde est également évoquée sur le blog En attendant Nadeau.
Puis, le soir du même jour, j'ai eu le plaisir et l'honneur de présenter, seul, dans le cadre de l'université éphémère des Utopiales, une conférence d'une heure et demie qui s'intitulait « Le corps secret et musical de 2001 » et dont l'argument était le suivant :
Toujours est-il que je m'interroge à présent sur ce que je peux faire de ce travail. Outre la préparation proprement dite, qui m'a mobilisé pendant des semaines, il s'agit de l'aboutissement de dix ou douze années de recherches ; et il y a quelques documents rarissimes que j'aimerais montrer.
Mais je ne sais pas encore sous quelle forme je peux diffuser tout cela : entre faire deux heures de vidéo sur Youtube ou bien publier ici un article interminable, je me demande ce qui serait le pire. L'une des difficultés, ce sera de montrer (puis-je le faire ?) les passages du film que j'ai remontés avec d'autres musiques. Je doute fort que Warner et les ayant-droit de Kubrick (pour des raisons que je conçois) m'autorisent à mettre en ligne d'énormes morceaux du film sous une forme modifiée. Il faut que je réfléchisse encore un peu à la meilleure manière de procéder. (Il y a toujours la solution qui constiste, pour ne pas essuyer un refus, à ne surtout pas demander ; mais Christiane Kubrick, Katharina Kubrick-Hobbs ou Jan Harlan ne sont pas des gens que j'ai envie de traiter par le mépris.)
Je veux profiter de ce billet pour dire le bonheur assez rare qu'a constitué pour moi cette édition 2018 des Utopiales. Les conférences, tables rondes, expositions dont j'ai été public m'ont constamment intéressé, stimulé, ému. Plus encore, les rencontres en cascade qui ont donné toute leur saveur à ces trois journées nantaises font les meilleurs souvenirs et, dans un exercice probablement narcissique mais absolument sincère, je veux citer les plus belles, les plus sympathiques, les plus enrichissantes.
Il y a eu, d'abord, les multiples conversations, parfois brèves, parfois développées, qui se sont nouées comme de jolis impromptus autour d'un café, à tous moments de la journée, petit déjeuner compris ; je pense en particuliers aux moments de calme avant la fièvre des conférences que j'ai partagés avec le talentueux Lloyd Chéry, mais également avec Laurent Genefort, qui a évoqué avec passion et clarté ses travaux en cours, avec Jean-Daniel Brèque qui m'a donné, quelques heures avant d'entrer en scène pour célébrer Theodore Sturgeon, quelques indications précieuses, avec Élodie Serrano qui m'a fait l'honneur de m'accueillir sur un coin de table, un vendredi matin où les places étaient chères, mais aussi à Anouk Arnal et Éric Picholle qui m'ont tenu compagnie dans les brumes mentales d'un petit matin, sans oublier Lloyd Chéry (de nouveau) et Laurent Whale dans les brumes mentales du matin suivant.
Je veux saluer aussi les compagnons des déjeuners et dîners à la cantine du festival, occasion de se détendre entre deux conférences, de faire parfois le debrief des conférences passées ou de passer en revue celles qui arrivent, de lancer de nouveaux sujets de réflexion, et (éventuellement) de ne parler de rien, ce qui est un luxe exceptionnel ; salut, donc, à Mathias Echenay, Philippe Curval, Gérard Klein, Sylvie Lainé, ainsi qu'aux indispensables Simon Bréan et Matthieu Walraet, présents comme en écho à nos déjeuners du lundi un peu loin dans l'espace et le temps ; et merci au toujours surprenant Xavier Mauméjean pour m'avoir fort à propos signalé un film dont j'ignorais tout (L'Opération diabolique, de John Frankenheimer).
Ma gratitude va à Olivier Cotte pour son soutien technique tout autant qu'amical, à Antoine Mottier pour la même raison, ainsi qu'à Jeanne-A Debats sans qui nous ne serions pas tous à Nantes et moi, en tout cas, certainement pas.
Il eût fallu que je cite ensuite des personnes dont j'ignore le nom. Celles de l'accueil, d'abord, qui ont toujours résolu tous les problèmes même les plus graves (besoin urgent d'un bic et d'un stabilo pour finir de préparer un texte, besoin d'un ticket repas). Et les personnes anonymes qui m'ont fait le cadeau de venir discuter de 2001 le jeudi soir et le vendredi, parfois au hasard de nos déplacements dans la Cité des congrès ; celles et ceux à qui j'ai promis de communiquer des éléments (informations, vidéos, partitions…), j'attends votre email.
Enfin et surtout, peut-être, je veux remercier l'incroyable Ange (c'est son nom) qui m'a littéralement kidnappé au détour d'un couloir du pôle ludique, au prétexte suivant : « Tu veux venir faire le loup-garou ? On n'est que quatre… » Pris de cours, j'ai répondu positivement et une seconde plus tard, sous l'œil amusé de sa sœur, elle abordait un autre passant : « Tu veux jouer au loup-garou ? On n'est que cinq… » et je me disais que je m'étais peut-être fait avoir. Et je me suis retrouvé autour d'une table, pendant une heure, à jouer aux Loups-Garous de Thiercelieux en compagnie d'enfants, de jeunes et d'adultes d'âges divers, peut-être le moment le plus amusant et le plus inattendu de ces trois journées ; merci à Ange, Louise, Emma, Solenn pour m'avoir accueilli puis tué un nombre incroyable de fois (ne jouez jamais à ce jeu avec des enfants : ils commencent toujours par tuer tous les adultes, c'est tellement plus amusant), et un salut spécial à Lucie-Lou avec qui la discussion s'est interrompue un peu vite et à qui je voulais simplement dire ceci : Tu veux devenir écrivain, devenir cinéaste ? Prend du papier et un stylo, écris une histoire de deux pages avec un début et une fin, puis une deuxième, une troisième un peu plus longue, et ne t'arrête plus. Et prends un appareil photo ou un téléphone, un ordinateur, filme, fais ton montage, projette le résultat, archive-le, puis fais un second film, et ne t'arrête plus.
Celles et ceux qui feront les prochains 2001 étaient autour de cette table, en ce jour de novembre, j'en suis certain. Comme je suis d'un naturel patient, j'attends.
Je rentre tout juste du festival des Utopiales, à Nantes, où j'ai eu la chance d'être convié pour contribuer à célébrer cet anniversaire. Ce fut d'abord, vendredi 2 novembre au matin, une table ronde en compagnie de Marc Caro et d'Olivier Cotte, sous le feu des questions de Philippe Guedj. On en trouve un extrait conséquent sur Youtube, avec ce moment assez fantastique où Olivier Cotte explique, ce qui est vrai, que son chien adore 2001 (et pourquoi). Mes deux comparses ont assez magnifiquement su mêler la légèreté du ton et la pertinence du propos, moi un peu moins (si seulement j'avais su que les calembours étaient autorisés…! ceux qui me connaissent comprennent très bien ce à quoi les Utopiales ont échappé). Cette table ronde est également évoquée sur le blog En attendant Nadeau.
Puis, le soir du même jour, j'ai eu le plaisir et l'honneur de présenter, seul, dans le cadre de l'université éphémère des Utopiales, une conférence d'une heure et demie qui s'intitulait « Le corps secret et musical de 2001 » et dont l'argument était le suivant :
2001 a marqué les esprits par son utilisation singulière de la musique, mélange de pièces classiques et contemporaines. Pourtant, une partition originale avait été commandée au compositeur Alex North. À quoi le film aurait-il ressemblé si Kubrick avait emprunté cette voie ? Quels autres choix a-t-il envisagés ? Hervé de La Haye vous invite à imaginer, à entendre et à entrevoir ces mille autres 2001.Cela s'est fort bien passé et je remercie, chaleureusement, celles et ceux qui se sont déplacés pour cette longue immersion dans les différentes partitions musicales de 2001. Seul bémol (en musique, il en faut) : entre 14 pages de notes, de nombreux extraits audio et plus de 50 minutes d'extraits vidéo, je n'ai évidemment pas pu aller au bout de mon exposé (c'était prévu ainsi, cela n'est pas grave, j'ai privilégié une forme plus vivante qu'un « cours » un peu professoral qui m'aurait permis de tout dire mais sans doute aussi d'endormir l'auditoire).
Toujours est-il que je m'interroge à présent sur ce que je peux faire de ce travail. Outre la préparation proprement dite, qui m'a mobilisé pendant des semaines, il s'agit de l'aboutissement de dix ou douze années de recherches ; et il y a quelques documents rarissimes que j'aimerais montrer.
Mais je ne sais pas encore sous quelle forme je peux diffuser tout cela : entre faire deux heures de vidéo sur Youtube ou bien publier ici un article interminable, je me demande ce qui serait le pire. L'une des difficultés, ce sera de montrer (puis-je le faire ?) les passages du film que j'ai remontés avec d'autres musiques. Je doute fort que Warner et les ayant-droit de Kubrick (pour des raisons que je conçois) m'autorisent à mettre en ligne d'énormes morceaux du film sous une forme modifiée. Il faut que je réfléchisse encore un peu à la meilleure manière de procéder. (Il y a toujours la solution qui constiste, pour ne pas essuyer un refus, à ne surtout pas demander ; mais Christiane Kubrick, Katharina Kubrick-Hobbs ou Jan Harlan ne sont pas des gens que j'ai envie de traiter par le mépris.)
Je veux profiter de ce billet pour dire le bonheur assez rare qu'a constitué pour moi cette édition 2018 des Utopiales. Les conférences, tables rondes, expositions dont j'ai été public m'ont constamment intéressé, stimulé, ému. Plus encore, les rencontres en cascade qui ont donné toute leur saveur à ces trois journées nantaises font les meilleurs souvenirs et, dans un exercice probablement narcissique mais absolument sincère, je veux citer les plus belles, les plus sympathiques, les plus enrichissantes.
Il y a eu, d'abord, les multiples conversations, parfois brèves, parfois développées, qui se sont nouées comme de jolis impromptus autour d'un café, à tous moments de la journée, petit déjeuner compris ; je pense en particuliers aux moments de calme avant la fièvre des conférences que j'ai partagés avec le talentueux Lloyd Chéry, mais également avec Laurent Genefort, qui a évoqué avec passion et clarté ses travaux en cours, avec Jean-Daniel Brèque qui m'a donné, quelques heures avant d'entrer en scène pour célébrer Theodore Sturgeon, quelques indications précieuses, avec Élodie Serrano qui m'a fait l'honneur de m'accueillir sur un coin de table, un vendredi matin où les places étaient chères, mais aussi à Anouk Arnal et Éric Picholle qui m'ont tenu compagnie dans les brumes mentales d'un petit matin, sans oublier Lloyd Chéry (de nouveau) et Laurent Whale dans les brumes mentales du matin suivant.
Je veux saluer aussi les compagnons des déjeuners et dîners à la cantine du festival, occasion de se détendre entre deux conférences, de faire parfois le debrief des conférences passées ou de passer en revue celles qui arrivent, de lancer de nouveaux sujets de réflexion, et (éventuellement) de ne parler de rien, ce qui est un luxe exceptionnel ; salut, donc, à Mathias Echenay, Philippe Curval, Gérard Klein, Sylvie Lainé, ainsi qu'aux indispensables Simon Bréan et Matthieu Walraet, présents comme en écho à nos déjeuners du lundi un peu loin dans l'espace et le temps ; et merci au toujours surprenant Xavier Mauméjean pour m'avoir fort à propos signalé un film dont j'ignorais tout (L'Opération diabolique, de John Frankenheimer).
Ma gratitude va à Olivier Cotte pour son soutien technique tout autant qu'amical, à Antoine Mottier pour la même raison, ainsi qu'à Jeanne-A Debats sans qui nous ne serions pas tous à Nantes et moi, en tout cas, certainement pas.
Il eût fallu que je cite ensuite des personnes dont j'ignore le nom. Celles de l'accueil, d'abord, qui ont toujours résolu tous les problèmes même les plus graves (besoin urgent d'un bic et d'un stabilo pour finir de préparer un texte, besoin d'un ticket repas). Et les personnes anonymes qui m'ont fait le cadeau de venir discuter de 2001 le jeudi soir et le vendredi, parfois au hasard de nos déplacements dans la Cité des congrès ; celles et ceux à qui j'ai promis de communiquer des éléments (informations, vidéos, partitions…), j'attends votre email.
Enfin et surtout, peut-être, je veux remercier l'incroyable Ange (c'est son nom) qui m'a littéralement kidnappé au détour d'un couloir du pôle ludique, au prétexte suivant : « Tu veux venir faire le loup-garou ? On n'est que quatre… » Pris de cours, j'ai répondu positivement et une seconde plus tard, sous l'œil amusé de sa sœur, elle abordait un autre passant : « Tu veux jouer au loup-garou ? On n'est que cinq… » et je me disais que je m'étais peut-être fait avoir. Et je me suis retrouvé autour d'une table, pendant une heure, à jouer aux Loups-Garous de Thiercelieux en compagnie d'enfants, de jeunes et d'adultes d'âges divers, peut-être le moment le plus amusant et le plus inattendu de ces trois journées ; merci à Ange, Louise, Emma, Solenn pour m'avoir accueilli puis tué un nombre incroyable de fois (ne jouez jamais à ce jeu avec des enfants : ils commencent toujours par tuer tous les adultes, c'est tellement plus amusant), et un salut spécial à Lucie-Lou avec qui la discussion s'est interrompue un peu vite et à qui je voulais simplement dire ceci : Tu veux devenir écrivain, devenir cinéaste ? Prend du papier et un stylo, écris une histoire de deux pages avec un début et une fin, puis une deuxième, une troisième un peu plus longue, et ne t'arrête plus. Et prends un appareil photo ou un téléphone, un ordinateur, filme, fais ton montage, projette le résultat, archive-le, puis fais un second film, et ne t'arrête plus.
Celles et ceux qui feront les prochains 2001 étaient autour de cette table, en ce jour de novembre, j'en suis certain. Comme je suis d'un naturel patient, j'attends.
© Hervé Lesage de La Haye, novembre 2018.
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